Historique Sony/Foxconn en Slovaquie

Propos recueillis par gongchao/kpk (avril 2013)

English | Slovenčina


[Traduit par Echanges et Mouvement http://www.mondialisme.org]

1996

Sony entre en Slovaquie en avril et construit près de Trnava une nouvelle usine de fabrication de composants pour les téléviseurs montés dans les usines du Royaume Uni, d’Espagne et d’Allemagne. Trnava se situe à environ 50 km à l’est de Bratislava et, en 2011, compte 65 000 habitants. Sony achète une zone industrielle précédemment occupée par des entrepôts. En août, la pré-production démarre à Trnava, avec près de la moitié des machines provenant d’autres usines Sony. Initialement, 350 à 400 personnes sont embauchées et réparties en trois équipes. Lorsque la production est lancée, la construction de l’usine n’est pas complètement terminée. Par groupes, des ouvriers sont envoyés en stage au Japon, en Allemagne et au Royaume Uni, et l’État règle la moitié des frais. Le salaire de départ affiché lors du recrutement est de 4500 SKK (environ 150 US$ à l’époque) avant prélèvements fiscaux et hors heures supplémentaires et primes d’équipe, ce qui n’est pas très élevé pour la Slovaquie. En 1996, le salaire minimum est de 2450 SKK.

1998

À Trnava, on produit 500 téléviseurs par jour. En Slovaquie, Sony travaille avec des sous-traitants, les premiers d’entre eux étant des fabricants d’emballages et une entreprise locale produisant des boîtiers en plastique.

1999

La dévaluation du rouble russe entraîne des fluctuations sur le marché et affecte la production à Trnava. Sur un total de 600 ouvriers, 40 sont temporairement mutés dans d’autres entreprises. Sony n’envisage pas de réduire la production car on considère que l’implantation à Trnava est stratégique pour les marchés en Russie, en Pologne et en Ukraine.

2001

Sony prévoit de doubler sa production en deux ans. En 2001, ils emploient 1137 travailleurs en moyenne. L’usine devient le plus gros producteur et exportateur de téléviseurs et de composants pour téléviseurs en Slovaquie. La production annuelle s’élève à environ 600 000 unités, destinées au marché européen. D’autres composants sont utilisés dans les usines Sony aux États-Unis, ainsi qu’en Grande Bretagne, en Espagne et en Chine. À cette époque, Sony utilise 26 sous-traitants locaux, qui coûtent environ 20 % moins cher que ceux de l’étranger et raccourcissent les délais de livraison de 55 %.

2004

En 2004, la production totale (téléviseurs et composants) atteint 9,55 millions d’unités (elle est en hausse de 18 % par rapport à 2003). 2 % seulement de cette production est vendue en Slovaquie, mais représente tout de même 51 % des ventes de téléviseurs du pays. En 2004, les recettes augmentent de 11,2 %. Entre 1996 et 2004, le total des investissements a atteint 1,6 milliards de SKK ou 40 millions d’euros (300 millions de SKK ou 7,5 millions d’euros pour la seule année 2004). On construit un centre d’entretien pour les consoles Playstation, le plus grand d’Europe. L’effectif total est de 1598 personnes.

2006

Sony passe de la technologie d’écrans CRT (tube cathodique) à la technologie LCD (affichage à cristaux liquides) et annonce son déménagement à Nitra, la cinquième ville de Slovaquie avec une population de 85 000 habitants en 2006, qui est située à environ 90 km à l’est de Bratislava. Les raisons invoquées sont une autoroute à quatre voies (qui relie Nitra à Trnava et à Bratislava) et plus d’espace pour une expansion de Sony et des entreprises sous-traitantes. Nitra a aussi un taux de chômage supérieur à celui de Trnava, où l’insuffisance de main-d’œuvre adéquate pose des problèmes. Le salaire annoncé est de 14 000 SKK ou 373 euros (en 2006, le salaire minimum est de 7 600 SKK), y compris les primes et les heures supplémentaires. Sony prévoit d’embaucher 3000 personnes, dont la moitié doit faire la navette entre Trnava et Nitra. La capacité de production annuelle prévue est de 3 millions de téléviseurs, l’investissement total de 73 millions d’euros (2735 milliards de SKK), et Sony reçoit une aide généreuse de l’État : 380 millions de SKK (plus de 10 millions d’euros) doivent être consacrés au développement des infrastructures à Nitra, et selon la législation européenne, l’État ne peut couvrir qu’au maximum 15 % de l’investissement de Sony. Sony exige d’en utiliser 90 % pour acheter de la technologie et exige aussi de ne subir aucune pénalité si le projet global n’est réalisé qu’à 80 %. Les 1500 nouvelles créations d’emplois doivent durer au moins cinq ans. Sony est exonéré d’impôt sur les bénéfices pendant sept ans. En 2010, on a pu obtenir plus d’informations sur ces subventions. La subvention directe totale s’élève à 1,17 milliards SKK (38,8 millions d’euros), le total des économies fiscales à 408,6 millions SKK (13,56 millions d’euros). Des informations datant de 2012 montrent que l’État a en fait payé environ 42 % des dépenses de Sony, ce qui constitue le programme d’aide le plus important de Slovaquie.

2007

En octobre, la production démarre à l’usine Sony de Nitra. L’usine de Trnava déménage chaîne par chaîne. À Nitra, 600 ouvriers produisent des téléviseurs LCD Bravia. À plein régime, il est prévu que l’usine devienne le principal fournisseur de postes Bravia pour le marché européen, avec l’usine de Barcelone, plus ancienne.

2008

Le sous-traitant japonais Ryoka investit 300 millions SKK (presque 10 millions d’euros) et emploie 270 ouvriers à Nitra. L’entreprise rencontre des difficultés pour recruter des employés pour les postes techniques et de chef d’équipe car l’anglais est exigé. Daidong, producteur sud-coréen de coques en plastique, entreprend la construction d’une usine à Nitra, ainsi que Farguell, producteur espagnol de coques métalliques et Meiki, fournisseur japonais de composants en plastique. Sony prévoit de construire une nouvelle usine à côté de celle qui existe déjà à Nitra. Mais, pour la première fois en cinquante ans, Sony enregistre des pertes en 2008, et sur le marché mondial, la demande est à la baisse. L’investissement total de Sony à Nitra s’élève alors à 82 millions d’euros. L’usine est dorénavant la plus grande usine de téléviseurs Sony du monde.

2010

Foxconn achète l’usine Sony de Nitra. Les conditions d’emploi, les relations avec la sous-traitance et les quotas de production sont fixés pour un an. À l’issue de cette période, Foxconn aura les mains libres. En 2009, l’entreprise avait déjà acquis une usine Sony de téléviseurs LCD à Mexico. Sony porte à 40 % la part des fournitures en sous-traitance pour téléviseurs LCD (contre 5 % en 2009). Sony conserve 10 % de l’usine de Nitra, et Foxconn prévoit de maintenir la production Bravia et d’augmenter la capacité de production dans les deux ans, passant des 5 millions d’unités prévues pour 2010 à 7,5 millions, tout en augmentant les effectifs de 20 %. En juin, environ 2500 personnes travaillent à Nitra. L’usine Sony de Barcelone est vendue à deux entreprises espagnoles (Ficosa International et Comsa Emte), ce qui signifie la fin de la production Sony (sous son propre nom) en Europe. L’usine de Barcelone fonctionnait depuis 1973 et employait 1100 personnes.

2011

En janvier, l’usine Foxconn de Nitra prévoit d’accroître la production de 50 % et les effectifs de 30 %. Mais en mai, la production commence à baisser, et les ouvriers sont renvoyés chez eux sans salaire. Le syndicat porte plainte auprès de l’Inspection du Travail et lui signale aussi la répartition inégale du temps de travail, l’organisation des équipes sans concertation et le défaut d’aménagement d’un local syndical. Le comité d’entreprise est sous le contrôle de la direction. Le délégué syndical a été privé par la ruse de son élection au comité d’entreprise, et les délégués du comité – parmi eux, pas un seul ouvrier de production, ce sont tous des cols blancs – acceptent les modifications des horaires et des équipes que décide l’entreprise. Après le tremblement de terre au Japon, il y a des problèmes d’approvisionnement et à Nitra, il n’y a du travail que pour une équipe. Les salaires chutent, passant de 420 euros à environ 370 après impôt. En juin, l’usine est officiellement réduite à une équipe, en principe parce que la production serait saisonnière et que les nouveaux investissements en chaînes de montage auraient accru la production quotidienne de 40 % et permis de produire plusieurs modèles sur une seule chaîne. À ce moment-là, environ 3000 personnes travaillent à l’usine. En juillet, on ferme un secteur composé uniquement d’ouvriers sous contrat et ils sont transférés à d’autres postes. Quelques 60 travailleurs d’agences sont remerciés. Selon un représentant de l’entreprise, les travailleurs d’agences constituent à l’époque 10 à 20 % de l’effectif total. En 2010, la production de l’usine s’élève à 2,6 millions d’unités et en 2011, à 2,1 millions.

2012

Foxconn annonce des licenciements collectifs en raison de l’effondrement de la demande pour les téléviseurs Sony. L’entreprise prévoit de réduire les effectifs en licenciant 600 employés sur 1800. Il ne s’agira plus par la suite que de 430 licenciements, concernant à la fois les cols blancs et les ouvriers. Entre-temps, l’Inspection du Travail rend son verdict sur les plaintes du syndicat contre Foxconn. Alors que la première décision de mai 2011 prenait le parti du syndicat, elle est désormais annulée. L’Inspection prétend que les procédures chez Foxconn portant sur les équipes et le temps de travail sont tout à fait conformes aux règlementations, dans la mesure où la direction avait consulté le comité d’entreprise. En septembre, un cadre annonce que les commandes de Sony ont diminué d’un tiers (par rapport à 2011). Alors qu’en 2008 l’entreprise comptait presque 4000 employés, ce chiffre est en baisse et atteint 2100 en septembre 2011 et moins de 1300 (la plupart sous contrat) en septembre 2012. À ce stade, une seule équipe travaille sur 22 chaînes (contre 32 auparavant). Le sous-traitant Ryoka ferme et licencie ses 227 employés en novembre 2012. Il ne reste à Nitra qu’un sous-traitant à côté de Foxconn – Meiki, qui produit des composants en plastique. Foxconn déclare que l’usine de Nitra est d’une importance stratégique pour les marchés européens et nie tout projet de départ, bien qu’elle tourné à 50 % de sa capacité de production.

 

This entry was posted in Textes and tagged , , . Bookmark the permalink.